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INSPIRE-SAT 7 : DE L’OBJET PÉDAGOGIQUE AU SATELLITE D’OBSERVATION DE LA TERRE ET DU SOLEIL

17 octobre 2023 Lettre 3AF
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Article paru dans la Lettre 3AF N°4-2023

par Mustapha Metfah, Responsable du programme au LATMOS
LATMOS, CNRS / UVSQ / Université Paris-Saclay / Sorbonne Université

Inspire-Sat 7 (Meftah, Boust et al., 2022) est un nanosatellite français au standard CubeSat (Twiggs, 2000), un format de satellite défini en 1999 par l’Université d’État polytechnique de Californie et l’Université de Stanford (États-Unis). Ce satellite de type CubeSat 2U (11.5 × 11.5 × 22.7 cm) est un démonstrateur pédagogique, technologique et scientifique dédié à l’observation de la Terre et du Soleil. Il a été imaginé, conçu, réalisé et testé par le Laboratoire Atmosphères et Observations Spatiales (LATMOS) et l’Office National d'Études et de Recherches Aérospatiales (ONERA), en collaboration avec leurs partenaires académiques et industriels, et la communauté radioamateur francophone. Cette mission spatiale fait partie intégrante du programme international INSPIRE (International Satellite Program in Research and Education), une initiative qui réunit plusieurs universités telles que l'Université du Colorado, Nanyang Technological University, National Central University, et l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, entre autres. Pesant à peine 3 kg, Inspire-Sat 7 (figure 1) a été mis en orbite le 15 avril 2023 depuis la base militaire américaine de Vandenberg en Californie, à bord du lanceur Falcon 9 de SpaceX – mission « sherpa » Transporter 7 (figure 2).

Figure 1. Essais de validation du satellite Inspire-Sat 7.

Figure 1. Essais de validation du satellite Inspire-Sat 7.

Figure 2. Mission Transporter 7 de covoiturage spatial avec à son bord 51 satellites commerciaux et gouvernementaux, dont Inspire-Sat 7.

Le programme spatial Inspire-Sat 7 présente de nombreuses similitudes avec celui de FR-1, le tout premier satellite scientifique français qui avait été lancé avec succès depuis Vandenberg par une fusée Scout américaine le 6 décembre 1965.
Depuis avril 2023, Inspire-Sat 7 a rejoint Uvsq-Sat (Meftah, Damé et al., 2020), un autre satellite du LATMOS qui était déjà à une altitude d'environ 500 km (figure 3), créant ainsi l'une des premières constellations universitaires de CubeSats dédiée à l’observation de variables climatiques essentielles. En orbite héliosynchrone, ces deux satellites observent depuis l’espace le rayonnement solaire, le rayonnement solaire réfléchi au sommet de l'atmosphère de la Terre à longueurs d’onde courtes (UV, VIS, NIR), le rayonnement sortant à grandes longueurs d'onde (IR), tout comme le champ magnétique de la Terre. Quant à Inspire-Sat 7, il permet aussi de faire des mesures de perturbations de l’ionosphère à haute fréquence (HF) de 10 à 20 MHz.

Figure 3. Altitude des satellites Uvsq-Sat et Inspire-Sat 7 depuis leur mise en orbite.

ORGANISATION DU PROGRAMME ET DATES IMPORTANTES


Le LATMOS assume à la fois le rôle de maître d'œuvre et de maître d'ouvrage du satellite, englobant la charge de concevoir, construire et administrer l'ensemble du programme spatial. Ce projet s’est construit autour d’une structure organisationnelle simplifiée, favorisant une approche Agile, tout en évitant le modèle de gestion verticale, qui s'avère souvent peu efficace pour conduire rapidement un programme spatial, depuis sa phase de définition et d'analyse (Phase 0/A) jusqu'à sa phase d'exploitation (Phase E). Le Principal Investigateur de la mission a encouragé la participation active de l'équipe scientifique tout au long du projet, mettant ainsi l'accent sur la flexibilité face aux éventuels changements et minimisant l'importance des procédures traditionnelles. L'organisation du programme Inspire-Sat 7 représente néanmoins un processus complexe qui nécessite encore aujourd’hui une planification minutieuse, une coordination précise et la prise en compte de nombreuses variables. Dès 2020, les objectifs scientifiques du programme ont été déterminés. Ensuite, plusieurs phases ont été entreprises pour développer les divers concepts de la mission spatiale, notamment le segment sol (comprenant le centre de contrôle, les stations UHF/VHF au sol et les systèmes de traitement des données) ainsi que le segment spatial (englobant la plateforme du satellite et les instruments scientifiques). Très rapidement, une évaluation de la faisabilité technique, financière et temporelle du projet a été faite. Mi-2020, les premiers financements ont été mis en place. La conception et l’ingénierie du programme a démarré très tôt en impliquant de nombreux partenaires issus de domaines très variés tels que le LATMOS, l’ONERA, le CNES, l’Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique (IASB), l’ESA, AMSAT-F, F6KRK, l’Electrolab, ACRI-ST, Adrelys, Hensoldt Space Consulting, Oledcomm, Nanovation, et l’Institut Lafayette, Mecano Id, Prodigima, entre autres. Chacun d’entre eux a apporté son expertise scientifique, technologique et pédagogique spécifique au projet. Mi-2021, le choix du lanceur a été entériné pour que le satellite prenne son envol dès 2023. Fin 2021, l’intégration et les essais d’environnement du satellite ont commencé. Les moyens de la Plateforme d'Intégration et de Tests (PIT) de l’Observatoire de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (OVSQ) et du LATMOS ont été utilisés (salles blanches, pot vibrant, cuve de vide thermique, stations « sol »). Des essais ont aussi été réalisés au CNES à Toulouse pour faire la caractérisation magnétique du satellite. L’étalonnage des instruments du satellite a été réalisé au LATMOS et en Belgique à l’IASB. Fin 2022, le satellite était prêt à être lancé – toutes les vérifications, les tests et les préparations nécessaires ont été effectués avec succès, confirmant que le satellite était en bon état de fonctionnement et pouvait être déployé dans l'espace en toute sécurité. La planification des opérations en orbite et les procédures de contrôle au sol du satellite étaient prêtes en janvier 2023. Le 7 février 2023, Inspire-Sat 7 a été intégré dans son dispositif d'éjection utilisé pour déployer des satellites en orbite. C’était l’ultime étape avant l’intégration dans la coiffe du lanceur. Un grand nombre d’étudiants de disciplines et d’horizons divers (ESTACA, SupOptique, IUT de Mantes-en-Yvelines, Master NewSpace) a participé à la mise en oeuvre de ce programme, qui est notamment soutenu par Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY) et le département des Yvelines (78).


DESCRIPTION DU SATELLITE


La plateforme du satellite Inspire-Sat 7 comprend divers systèmes essentiels tels que la structure physique, les panneaux solaires, l'alimentation électrique et les batteries, la communication avec ses antennes, le contrôle d’attitude, la télémétrie et les commandes, l'ordinateur embarqué, les instruments scientifiques, le contrôle thermique, ainsi que des dispositifs de protection contre les radiations. La charge utile du satellite est composée de plusieurs instruments scientifiques. Inspire-Sat 7 est équipé de capteurs miniaturisés (ERS) qui sont utilisés pour mesurer les composantes du bilan radiatif de la Terre (rayonnement solaire réfléchi, rayonnement sortant). L'objectif principal est de quantifier le déséquilibre énergétique de la Terre, qui est le principal moteur du réchauffement planétaire et est alimenté par l'augmentation des gaz à effet de serre. Inspire-Sat 7 est doté de photodiodes spécialement conçues pour observer le Soleil dans le continuum de Herzberg (200 – 242 nm), permettant ainsi de mesurer le rayonnement solaire dans l’UV. Cette technologie innovante a été développée par le LATMOS, l'entreprise Nanovation et leurs partenaires industriels. Inspire-Sat 7 est aussi équipé d’une antenne de réception HF et d’une carte SDR (CU-IONO1) développées par l’ONERA avec la collaboration du LATMOS. CU-IONO1 est un récepteur HF capable de capter les signaux émis depuis le sol par des équipements de l'ONERA, notamment un sondeur vertical et un radar HF. Ces mesures contribueront à améliorer la modélisation ionosphérique et à quantifier plus précisément les perturbations ionosphériques qui ne sont pas encore bien comprises. Par la suite, ces perturbations pourront être mises en corrélation avec les observations effectuées par un réseau de magnétomètres et d'autres satellites en orbite. Dans un autre registre, Inspire-Sat 7 a embarqué le premier module LiFi à bord d’un CubeSat. Oledcomm et le LATMOS souhaitent démontrer que la communication sans fil basée sur la lumière est une alternative crédible aux harnais de cuivre traditionnels. Enfin, une charge utile radioamateur (SPINO) fait partie du satellite Inspire-Sat 7. C’est un dispositif destiné à tous les radioamateurs de la planète. Adrelys, l’Electrolab, AMSAT-F et le LATMOS ont décidé de concevoir une carte complète de télémétrie bidirectionnelle « libre » pour les CubeSats. Ce dispositif (SPINO) est associé au transpondeur audio déjà validé à bord d’UVSQ-SAT, et qui offre déjà une possibilité de communication entre radioamateurs.


LANCEMENT ET OPÉRATIONS EN ORBITE


Après plusieurs jours de retards liés aux conditions météorologiques, le satellite Inspire-Sat 7 a finalement été mis en orbite le 15 avril 2023 à 09h52 (heure de Paris). Le satellite a été déployé avec succès à une altitude de 508 km. Il a été placé sur l’orbite souhaitée par l’équipe scientifique du LATMOS (inclinaison de 97.71 ±0.5°, excentricité inférieure à 0.004, heure locale au noeud descendant de 10h00 ±00h30). Très rapidement, les équipes du LATMOS ont pris le contrôle du satellite. Le premier signal émis par Inspire-Sat 7 a été capté par les radioamateurs (Fredy Damkalis, PE0SAT). Depuis le 15 avril 2023, Inspire-Sat 7 a commencé sa mission d’observation de la Terre et du Soleil. Une équipe du LATMOS gère les opérations en orbite. Elle gère la mission en cours, surveille les systèmes, et collecte les données scientifiques. Elle réagit aux problèmes potentiels et effectue des ajustements en temps réel. La réception des données est faite par les stations « sol » du LATMOS (Hermès et Elsa), tout comme celles d’ACRI-ST et de la communauté radioamateur. L’analyse des données est réalisée par les équipes du LATMOS (la totalité des observations) et celles de l’ONERA (observations de l’ionosphère).


PREMIÈRES OBSERVATIONS ET RÉSULTATS


Depuis sa mise en orbite, Inspire-Sat 7 est opérationnel. Sa durée de vie fonctionnelle est d’au moins deux ans. Inspire-Sat 7 est un satellite passif, ce qui signifie qu'il ne peut pas ajuster activement son orientation ou sa position dans l'espace. En utilisant plusieurs capteurs à bord du satellite, l’équipe du LATMOS a développé des méthodes qui permettent de mesurer les vecteurs de référence dans l'espace, tels que les vecteurs Soleil-Terre et Magnétomètre-Terre. En utilisant conjointement la méthode TRIAD et le filtre de Kalman, des estimations précises de l'attitude du satellite sont obtenues, ce qui est essentiel pour restituer l'attitude du satellite dans l'espace. A partir de la connaissance de l’attitude du satellite et des mesures réalisées par les détecteurs ERS, le rayonnement solaire réfléchi par la Terre et le rayonnement sortant (IR) sont obtenus (figure 4).

La carte du rayonnement solaire réfléchi au sommet de l’atmosphère au cours du mois d’aout 2023 indique la présence des surfaces qui réfléchissent fortement le rayonnement solaire (neige, glace, sable, et déserts). Les régions qui sont généralement nuageuses ont tendance à réfléchir plus d'énergie, tandis que la surface terrestre réfléchit moins que les nuages, et l'océan réfléchit moins que la terre et les forêts. Les aérosols atmosphériques, tels que les particules de poussière, de suie ou de pollution, peuvent interagir avec le rayonnement solaire. Ils peuvent agir comme des "points de condensation" pour l'eau, formant des nuages ou des gouttelettes d'eau. Étant donné que ces nuages sont très réfléchissants, ces cartes fournissent un excellent outil pour surveiller la couverture nuageuse mondiale, qui joue un rôle majeur dans le bilan radiatif de la Terre. Depuis plus de 20 ans, le rayonnement solaire réfléchi au sommet de l’atmosphère diminue (au moins 1 Wm-2). C’est donc une des variables à suivre au cours du temps. Le rayonnement sortant (IR) au sommet de l’atmosphère représente aussi une variable à suivre au cours du temps. Il présente une dépendance en latitude (figure 4). Les hautes latitudes sont plus froides et émettent moins de rayonnement IR. Les régions tropicales humides sont clairement visibles. Dans les régions tropicales et équatoriales, le faible rayonnement émergeant au sommet de l’atmosphère est dû à la présence de nuages à haute altitude. Ces nuages absorbent le rayonnement émis par la surface de la Terre. Par conséquent, étant donné qu'ils sont froids, ils émettent un faible rayonnement sortant dans l'espace. Les données du rayonnement sortant centrées sur les zones équatoriales, de 160°E à 160°W de longitude peuvent être converties en un indice d'anomalie standardisé. Des valeurs négatives (positives) d'OLR indiquent une convection accrue (supprimée) et donc une couverture nuageuse plus abondante (moins abondante), typique des épisodes El Niño (La Niña). Une activité convective plus importante (moins importante) dans le Pacifique équatorial central et oriental implique des sommets nuageux plus élevés (plus bas), plus froids (plus chauds), qui émettent beaucoup moins (plus) de rayonnement infrarouge dans l'espace. Depuis Mai 2023, les valeurs d’anomalie du rayonnement sortant (IR) au sommet de l’atmosphère sont négatives (diminution) – indiquant le lien avec la venue du phénomène El Niño dans le Pacifique tropical pour la première fois depuis sept ans. Ce qui pourrait entraîner une augmentation des températures mondiales et perturber les conditions météorologiques et climatiques.
Depuis avril 2023, l’ensemble des instruments scientifiques du satellite a été testé. Les détecteurs UV fonctionnent. Le récepteur HF (CU-IONO1) est capable de capter les signaux émis depuis le sol. La charge utile radioamateur (SPINO) a été très souvent activée.


VERS UNE FUTURE CONSTELLATION DE NANOSATELLITES ?


Une large flotte de petits satellites en orbite basse (Gaïa Y78) permettrait d’observer tout changement intervenu sur Terre avec un niveau de détail sans précédent, tant en résolution spatiale que temporelle (Meftah, 2023). Plusieurs variables seraient alors simultanément observées par cette armada – comme le bilan radiatif de la Terre et l’éclairement solaire spectral. La surveillance du CO2 et du CH4 depuis l'espace est également très importante pour caractériser la répartition spatiotemporelle de ces principaux gaz à effet de serre et quantifier leurs sources et leurs puits, afin de mieux comprendre le réchauffement climatique.
Bien que nous ayons une compréhension solide du mécanisme de l'effet de serre et des contributions des divers gaz à effet de serre (GES) d'origine humaine au réchauffement de la Terre, certaines interactions et rétroactions impliquant les nuages, la glace polaire et les océans demeurent moins bien comprises. À mesure que les concentrations de GES augmentent, moins de rayonnement infrarouge parvient à s'échapper vers l'espace, ce qui entraîne une diminution du rayonnement infrarouge sortant (OLR), une accumulation d'énergie dans le système climatique et finalement un réchauffement de la surface terrestre. Les observations et les simulations de modèles révèlent que l'impact direct des GES sur le réchauffement est amplifié par des rétroactions climatiques, telles que la fonte de la glace arctique, qui expose davantage d'océan, renforçant ainsi l'absorption du rayonnement solaire. Il devient donc essentiel d'observer simultanément plusieurs variables climatiques essentielles afin de mieux caractériser le changement climatique.

- http://uvsq-sat.projet.latmos.ipsl.fr
- Meftah M., Boust F., et al., 2022. Inspire-Sat 7, a Second CubeSat to Measure the Earth's Energy Budget and to Probe the Ionosphere. Remote Sensing, 14 (1), pp.186. ‹10.3390/rs14010186› - insu-03506566.
- Twiggs R.J., 2000. Space system developments at Stanford University: From launch experience of microsatellites to the proposed future use of picosatellites. SPIE 4136. Small Payloads in Space, 4136, 79-86. doi: 10.1117/12.406646.
- Meftah M., Damé L., et al., 2020. UVSQ-SAT, a Pathfinder CubeSat Mission for Observing Essential Climate Variables. Remote Sensing, 12 (1), art. 92 (24 p.). ‹10.3390/rs12010092› - insu-02424399.
- Meftah M., 2023. L’espace et le NewSpace au service du climat. Books On Demand – NewSpace Éditions, 9782322119530 / 2322119539 - insu-04053151

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