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Compte rendu de la conférence IEPC 2024
International Electric Propulsion Conference, Toulouse, Juin 2024.
INTRODUCTION
Cette conférence internationale a lieu sensiblement tous les deux ans. Elle a été organisée par deux laboratoires du CNRS (ICARE à Orléans et LAPLACE) à Toulouse), le CNES et l’Institut national polytechnique de Toulouse.
La conférence a réuni plus de 734 participants, dont 287 étudiants et 84 visiteurs, qui ont effectués 600 présentations. La délégation américaine était la plus nombreuse avec 215 participants, suivi par la France (128), l’Allemagne (76) le Japon (61) la Chine (62), le Royaume Uni (41), l’Espagne (28) et l’Italie (22) sans oublier Israël.
Le nombre de participants montre l’intérêt accru de la communauté spatiale pour la propulsion électrique, devenue indispensable, aussi bien pour les satellites géostationnaires que pour les constellations en orbite basse.
PRÉSENTATIONS PLÉNIÈRES
Après une présentation générale effectuée par les organisateurs, la première journée a débuté par un hommage au Professeur Mariano Andrenucci, décédé en mars 2024, et l’un des principaux animateurs des conférences IEPC. Elle a été suivie par un exposé de Lionel Suchet, directeur du CNES et par celui de M. Jean-Marie Bétermier, Vice-Président Espace de Safran Electronics and Defense.
M. Vlad Hubry (BUSEK) a présenté la « David C. Byers memorial lecture » sur les différents aspects et les différentes techniques abordés en propulsion électrique, de la PME aux grands groupes.
Une session plénière a été consacrée à un exposé sur la propulsion spatiale thermonucléaire. Le concept (très avancé) fait appel au confinement magnétoinertiel pulsé et vise des niveaux de puissance très inférieurs aux dispositifs de fusion du type TOKAMAK (Setthivoine You, Helicity).
La deuxième session plénière a abordé les questions du Droit dans l’espace (Alain Guyomarch, ANRT). Le terme lui-même a été crée en 1910 et le premier livre a été écrit en Allemagne en 1932.
La pierre angulaire du droit de l’espace est la résolution de l’assemblée générale de l’ONU (1963) et le traité sur l’Espace (1967).
Un « Moon Agreement » a été établi en 1979. Dans le cas de la Station Spatiale Internationale, c’est le droit national de l’état ayant construit le module qui s’applique. Cette notion est particulièrement importante pour la propriété intellectuelle des expériences effectuées.
Le cas de l’exploitation effective de la Lune n’est pas encore détaillé ; L’accord ARTEMIS s’applique bien aux états signataires (USA, Canada, Amérique du Sud, Europe, Inde, Japon). Mais il y a aussi un accord ILRS qui lie la Russie, la Chine, l’Egypte et la Turquie. Il est à prévoir que les bases des deux groupes seront situées près du pôle Sud lunaire, ce qui pourra poser des problèmes de définition mutuelle de périmètre de sécurité autour de chaque base.
La troisième session plénière sur la mobilité spatiale a été animée par M. Maxime Puteaux (NOVASPACE, ex EUROCONSULT). La marché du spatial (applications du type GPS et télécommunications comprises) atteint 462 milliards $, dont seulement 8% pour la production.
Cinq méga-constellations en orbite basse mobilisent 50% des lancements, mais 20% des lancements (satellites géostationnaires en particulier) génère le même chiffre d’affaires. Les USA dominent largement le marché des constellations : 47 sur 59 milliards $).
Pratiquement toutes les constellations en orbite basse font appel à la propulsion plasmique pour le transfert d’orbite depuis le lanceur et la désorbitation.
Le marché géostationnaire est attentiste mais on note une émergence de petits satellites. Les satellites GEO « tout électriques » représentent 24% du marché, ils vont passer à 50% dans les cinq prochaines années. De 2019 à 2023, le PPS®5000 (SAFRAN) occupe 23 % du marché contre 29 % pour le SPT 140 (FAKEL), sachant
que ce dernier n’est plus exporté en occident.
ASPECTS TECHNIQUES
La majorité des présentations a été consacrée à la propulsion plasmique. Le Japon et l’ISRO (Inde) développent séparément un propulseur plasmique de 6 kW pour les satellites géostationnaires « tout électriques ». A l’autre extrémité de l’échelle, un grand nombre d’organismes développent des propulseurs de faible puissance pour les constellations en orbite basse. Dans ce cas, la tendance est de fournir des blocs intégrés avec alimentation électrique (le PPU) et fluide (réservoirs et distribution de gaz).
LES ERGOLS
Devant la multiplication du nombre de propulseurs en orbite, en particulier pour les constellations, la production mondiale de xénon n’est plus suffisante. Les premiers ergols de remplacement sont les autres gaz rares : le Krypton 10 fois plus abondant que le xénon et l’argon, très abondant, mais donnant des performances médiocres. L’iode est un candidat intéressant, masse atomique de 127 contre 131 pour le xénon. Le problème principal est lié à la cathode creuse. La plupart des constructeurs de propulseurs électriques s’intéressent à l’iode. Pour certaines applications en orbite basse, il est possible d’utiliser l’atmosphère résiduelle après compression dynamique et mécanique. Le Japon a fait fonctionner des resistojets et des propulseurs plasmiques avec de l’eau (que l’on pourrait trouver sous forme de glace sur la Lune et d’autres planètes). Les performances sont médiocres mais l’ergol est gratuit.
MOYENS D’ESSAIS
Les essais de durée de vie mobilisent des installations complexes pendant des milliers d’heures. De plus , la rétrodiffusion d’atomes arrachés à la cible contamine le propulseur en essai. Un certain nombre de solutions (passives ou actives) ont été proposées pour contourner ces difficultés.
APPLICATIONS COMMERCIALES
La propulsion électrique des constellations en orbite basse génère le plus grand nombre de projets. Dans le domaine géostationnaire, les satellites « tout électriques » tiennent la vedette et après avoir conquis les USA et l’Europe, sont en développement au Japon et en Inde.
MISSIONS INTERPLANÉTAIRES
Les USA, après avoir été les pionniers de la propulsion ionique bombardement pour les missions spatiales (DAWN) se convertissent à la propulsion plasmique pour les futures missions interplanétaires, à commencer par le PPE (Power and Propulsion Element) du Lunar Gateway, servant aussi de remorqueur interorbital au HALO (Habitation and Logistics Outpost) et mettant en œuvre 4 propulseurs BUSEK de 6 kW chacun et trois propulseurs AEROJET de 12 kW. La trajectoire Terre – Lune est très semblable à celle de SMART-1. Le PPE va fournir un ΔV de 3000 m/s et consommer plus de 2000 kg de xénon. Le transfert va durer un an. La mission NASA Psyché, lancée en 2023 vers l’astéroïde du même nom, met en œuvre quatre propulseurs plasmiques de 4,5 kW, elle a été la première mission interplanétaire NASA à utiliser ce type de propulsion. La NASA développe un nouveau propulseur plasmique de forte puissance (10 à 15 kW) et densité énergétique élevée, le H10, destiné aux missions interplanétaires. Il est essentiellement réalisé en fabrication additive. Du côté européen, la propulsion ionique continue à être utilisée, sur BEPI COLUMBO (en cours) et sur MSR – ERO (Mars Sample Return, Earth Return Orbiter) en développement. MSR ERO met en œuvre les plus puissants panneaux solaires développés en Europe (144 m2, plus de 40 kW).
CONCLUSIONS
La propulsion électrique devient une activité incontournable dans le domaine spatial. Le dynamisme de la communauté scientifique le montre. L’organisation de la conférence a permis, par des présentations plénières de caractère plus général de faire le lien entre la propulsion électrique et les aspects plus globaux du spatial.
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