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Le système CSO, atout-maître de la défense pour se renseigner, anticiper et intervenir
05 juin 2020
Lettre 3AF
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« Savoir pour prévoir afin de pouvoir » (Auguste Comte)
A la fin de l’année 2005, alors que le renseignement spatial militaire français est encore incarné par sa première génération de satellites, en l’occurrence Hélios 1, l’état-major des armées publie un objectif de performances beaucoup plus ambitieux pour le futur. Une année plus tard, naît l’initiative européenne MUSIS (Multinational Space-based Imaging System) visant à offrir à ses promoteurs (France, Allemagne, Italie, Belgique, Espagne et Grèce) un accès fédéré à une nouvelle génération de satellites militaires optiques et radar d’observation de la Terre. Au sein de MUSIS, la France prenait la responsabilité de la réalisation de sa composante spatiale optique, dite CSO, sur la base de l’objectif d’état-major publié en 2005.
En 2010, prenant acte de l’échec des partenaires de MUSIS à établir un accord de coopération et afin d’éviter toute rupture capacitaire dans le domaine du renseignement spatial, la France décide de lancer dans un cadre national le programme CSO. Celui prévoit à l’époque la réalisation de deux satellites, l’un pour conduire des missions de reconnaissance, l’autre d’identification. En 2015, un accord avec l’Allemagne permet d’ajouter un troisième satellite au système CSO, moyennant une contribution financière allemande et un financement complémentaire français.
Ainsi était lancé le programme CSO dont le premier satellite a été placé en orbite en décembre 2018.
L’excellence en héritage
Au tout début de l’année 1986, est diffusée la première image de la Terre vue de l’Espace qui ne soit ni américaine, ni soviétique. Prise par le satellite civil Spot 1, elle est française et marque l’entrée de plein pied de notre pays dans l’imagerie spatiale. Depuis, la France n’a cessé de faire la preuve de son exceptionnel savoir-faire dans ce domaine. Moins de dix ans plus tard, en 1995, le premier satellite militaire d’observation optique européen est à nouveau français. C’est Hélios 1, qui fait accéder les armées françaises à l’imagerie spatiale à haute résolution, bientôt suivi par Hélios 2 au milieu des années 2000, qui apporte un important gain de performance, puis le système dual Pléiades développé par le CNES.
Opérationnels depuis bientôt dix ans, les satellites Pléiades intègrent de nombreuses innovations reprises et améliorées dans CSO. Il n’échappe d’ailleurs pas à l’observateur averti que la géométrie générale de la plateforme CSO est fortement inspirée de celle de Pléiades. On y retrouve en effet la même architecture fondée sur un instrument encastré dans la plateforme et le même concept de panneaux solaires disposés en pétale, deux éléments retenus par le CNES qui confère à Pléiades une agilité sans commune mesure avec celle d’Hélios. Pléiades a aussi marqué l’avènement de l’imagerie spatiale très haute résolution couleur et stéréoscopique en France. Autant d’éléments qui font dire à certains, non sans raison, que CSO est un « super Pléiades avec une capacité infrarouge ».
En dépit d’une masse significative (3,5 tonnes), CSO est, en premier lieu, une plateforme orbitale extrêmement agile. Elle le doit à sa configuration générale et à des actionneurs gyroscopiques de très hautes performances. Il en résulte des avantages opérationnels incontestables comme de permettre des modes de prise de vue multiples (couples stéréo, triplet stéréo, mosaïque en une seule passe) et aussi de prendre un très grand nombre d’images (plusieurs centaines chaque jour). Doté d’un contrôle d’orbite autonome, CSO calcule et décide par ailleurs lui-même des manœuvres à effectuer pour se maintenir correctement à poste sans impact négatif sur la mission. Il s’agit là d’une innovation qui simplifie substantiellement la tâche des opérateurs sol.
CSO, c’est aussi une charge utile remarquable qui ouvre l’accès à une qualité image visible et infrarouge sans équivalent en Europe. Des innovations technologiques appliquées à son miroir de grand diamètre et ses plans focaux permettent ainsi d’acquérir des images couleur en extrêmement haute résolution, autrement dit des images qui permettent non seulement de détecter des éléments d’intérêt, mais aussi d’en comprendre la nature et de les identifier. Grâce à sa capacité infrarouge, qui capte la signature thermique des scènes observées, l’instrument de CSO permet également la prise de vues nocturnes à un niveau de performances sans commune mesure avec celui obtenu avec Hélios II. Mais pour un militaire, voir, caractériser et identifier n’est pas suffisant en soi. Il s’agit également de géolocaliser avec la meilleure précision les objets observés et, de ce point de vue, la performance obtenue par CSO lui permet de répondre aux exigences militaires les plus élevées.
La constellation CSO prévoit trois satellites identiques évoluant sur une orbite polaire héliosynchrone ; deux à 800 kilomètres pour la mission de reconnaissance et un à 480 kilomètres pour la mission d’identification. Le premier CSO est déjà opérationnel, le deuxième le sera cette année et le troisième en 2022.
Un atout pour la défense
Toutes les heures et demie, le premier CSO, qui sera bientôt rejoint par les deux autres, transmet à haut débit vers ses utilisateurs sa précieuse cargaison de renseignements d’origine image (ROIM). Une fois la constellation entièrement constituée, le ROIM spatial français aura non seulement fait un bond qualitatif considérable en avant grâce à la qualité intrinsèque des satellites CSO mais il se sera aussi renforcé en termes de volume d’informations obtenues et aura gagné en réactivité. Le recueil du renseignement stratégique, l’appui aux opérations interarmées et le soutien à la géographie militaire vont ainsi pleinement bénéficier de l’apport du système CSO.
S’agissant du renseignement stratégique, CSO va permettre un suivi plus précis de certains sites d’intérêt militaire et un contrôle plus serré du respect des traités internationaux. Il permettra aux autorités françaises d’évaluer les menaces de manière plus fine, de mieux anticiper les crises et de se déterminer en pleine autonomie.
Grâce à sa réactivité et sa capacité importante de recueil, le système CSO va aussi marquer une avancée très nette par rapport à Hélios II dans le domaine de l’appui aux opérations militaires. En un seul passage sur un théâtre d’opérations, il permettra de satisfaire un nombre considérablement accru de demandes de prises de vues exprimées par les forces engagées. L’information dont disposeront celles-ci sera en outre peu datée et donc en phase avec leur tempo opérationnel.
Avec des images d’extrême haute résolution très précisément géoréférencées, CSO va aussi grandement bénéficier à la géographie militaire. Des modèles numériques de cible d’une grande précision vont pouvoir être réalisés grâce à la capacité de CSO à réaliser des images 3D. Le guidage terminal des missiles de croisière français s’en trouvera ainsi encore amélioré et ce grâce à un moyen totalement souverain. De manière générale, ce sont de meilleurs produits cartographiques qui vont pouvoir être mis à la disposition des armées. Ainsi, les missions, en particulier de frappes aériennes, pourront être préparées avec un degré accru de précision au niveau du ciblage.
Un succès collectif
Le système CSO, qui incarne de manière si brillante le savoir-faire national dans le domaine de l’observation optique et infrarouge de la Terre depuis l’Espace, est le fruit d’un travail collectif débuté dix années avant le lancement du premier satellite. L’Etat et l’industrie spatiale française ont su en la circonstance unir leurs talents pour réaliser un système au meilleur niveau mondial.
La DGA assure la direction du programme CSO et la mise en place de coopérations européennes. Elle prend également à son compte la maîtrise d’ouvrage du segment sol utilisateur (SSU) du système. Implanté à Creil, celui-ci collecte toutes les demandes d’imagerie émanant des forces et assure le traitement et la diffusion des données collectées. Il a été développé en apportant un soin particulier à sa protection vis-à-vis du risque cyber et est dimensionné pour livrer plus de neuf téraoctets de données chaque jour et produire 800 images.
Avec la DGA, le CNES tient un rôle de co-architecte d’ensemble du système CSO garantissant la cohérence des différentes activités de maîtrise d’œuvre confiées à l’industrie. La maîtrise d’ouvrage de la réalisation des satellites et du segment sol de mission (SSM) lui a été déléguée par la DGA. Le CNES est également chargé du lancement, de la mise à poste et des opérations de recette en vol et d’exploitation des satellites. Le SSM est dédié à la mise en œuvre des satellites CSO depuis le CNES et s’articule autour de deux entités : un centre de programmation et de commande-contrôle (CPCC) chargé du maintien à poste des satellites, de leur bon fonctionnement et de l’élaboration de leurs plans de travail d’une part et, d’autre part, un centre d’expertise qualité image (CEQI) dont la mission est d’optimiser les performances de prises de vues.
L’industrie nationale a su aussi répondre aux défis technologiques du programme CSO en mobilisant des compétences de haut niveau au sein de plusieurs entreprises du secteur spatial. Airbus Defence & Space a notamment assuré la maîtrise d’œuvre des satellites et du SSU ; Thales, dans ses différentes composantes, celle de l’instrument optique, du CEQI et des dispositifs de chiffrement et le groupement Cap Gemini / CS-SI celle du centre de programmation de mission. Ces industriels se sont appuyés sur un tissu d’équipementiers réalisant des produits de haute valeur technologique comme Sodern, Sofradir, Alat et quelques autres. C’est bien un effort collectif de l’industrie nationale qui a permis la réussite technique du programme CSO. Quant à Arianespace, elle est l’opérateur des services de lancement des trois satellites CSO depuis Kourou au moyen de lanceurs Soyouz pour les deux premiers et d’Ariane 6 pour le troisième.
Au-delà de la France, CSO est aussi un programme dont la dimension européenne doit être reconnue. Il n’est pas, comme ses prédécesseurs Hélios I et II, un programme mené en coopération multilatérale avec d’autres pays européens, mais il fait l’objet de plusieurs accords bilatéraux de coopération. Avec l’Allemagne, tout d’abord, qui a contribué financièrement au programme, et avec laquelle un accord d’échanges d’images a été conclu qui permettra à celle-ci de bénéficier de l’imagerie CSO et à la France des images de la constellation radar allemande SARah. Avec l’Italie ensuite, avec laquelle un accord de même nature a été conclu, mais aussi la Belgique, qui a apporté une contribution financière au programme et la Suède, dont le territoire accueille une station de télémesures pour CSO idéalement placée près du pôle. D’autres accords sont envisagés et la communauté CSO pourrait s’élargir à d’autres partenaires européens prochainement.
La mise en service opérationnelle du système CSO en 2019 a marqué le début d’une phase de renouvellement complet de nos moyens spatiaux militaires. Dans les trois années qui viennent, la constellation CSO aura été entièrement déployée en remplacement des deux satellites Hélios II, le système d’écoute électronique Ceres aura remplacé le démonstrateur Elisa et les deux satellites de télécommunications Syracuse III auront cédé la place à deux Syracuse IV bien plus performants. En complément, la défense française pourra disposer, à compter de 2023, d’un modèle numérique de surface mondial très précis et d’une capacité d’observation optique de la Terre de résolution submétrique (50 cm) avec un fort taux de revisite grâce à la constellation CO3D, un programme mené conjointement par le CNES et Airbus Defence & Space.
Au-delà de ces renforcements capacitaires très substantiels, la stratégie spatiale de défense, voulue par le Président de la République, a introduit en 2019 une inflexion importante dans notre posture stratégique vis-à-vis des questions spatiales, en particulier en affichant clairement la volonté de défendre nos intérêts dans l’Espace. Dans cette perspective, d’autres programmes spatiaux seront réalisés qui mobiliseront, à l’instar de CSO, le meilleur des compétences nationales dans le domaine.
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