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ÉDITORIAL LETTRE 3AF N°36

03 juin 2019 Lettre 3AF
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La Lettre n°32 de l’été 2018, consacrée à la prospective à l’ONERA, présentait en page de couverture une belle infographie du ciel en 2050. Elle illustrait le cas le plus probable d’un ciel illimité, où la croissance du trafic aérien ne serait tempérée par aucun règlement coercitif. Parmi les très nombreux aéronefs y figurant, aucun dirigeable ne s’y trouvait. D’autres dessins, correspondant à des scénarios alternatifs, illustraient l’article sur le transport aérien à l’horizon 2050. Le ciel régulé présentait une vue très chargée en aéronefs, mais toujours exempte de dirigeable. En revanche dans le ciel déserté, dévolu au scénario vert, un dirigeable faisait son apparition, entouré de quelques petits avions et drones fonctionnant à l’énergie électrique ou au carburant vert.

Cette Lettre correspond parfaitement à ce visuel, avec son dossier sur les dirigeables et des articles concernant les drones et l’avion électrique. On y trouve aussi la synthèse du congrès 3AF More Electric Aircraft, dont la cinquième édition s’est déroulée avec succès à Toulouse en février dernier.

Pour revenir aux dirigeables, rappelons que le premier voyage aérien dirigé fut effectué, en 1852, par Henri Giffard entre Paris et Elancourt à bord d’un aérostat portant à son extrémité une voile triangulaire faisant office de gouvernail. L’aérostat était mû par une hélice, actionnée par une chaudière à vapeur fonctionnant au coke. Pourtant, en 1863, soit une dizaine d’années après cet exploit, Jules Verne, dans son premier roman Cinq semaines en ballon, prête à son héros Fergusson des paroles, qui pour une fois ne sont pas prophétiques : Je ne crois pas que l’on puisse parvenir à diriger les ballons. Je connais tous les systèmes essayés ou proposés ; pas un n’a réussi, pas un n’est praticable … Il faudrait découvrir un moteur d’une puissance extraordinaire, et d’une légèreté impossible. 

En 1872, soit une dizaine d’années après la sortie de ce livre, Henri Dupuy de Lôme conçoit un grand aérostat, gonflé à l’hydrogène et propulsé par une hélice, que huit matelots mettaient en mouvement dans la nacelle, mais ce retour à la traction humaine en ce XIXe siècle industriel manquait de panache. Il revient au colonel Renard le mérite d’avoir trouvé une solution élégante au problème en actionnant l’hélice au moyen d’un moteur électrique alimenté par une pile. Le dirigeable était véritablement né lorsqu’en 1884, il réussit entre Meudon et Villacoublay, la première ascension en circuit fermé à bord de La France. Cet évènement est évoqué dans cette lettre en relation avec le Hangar Y, où ce dirigeable avait été conçu et gréé. C’est également à Meudon que bien des années plus tard fut préparée l’ascension en ballon de l’astronome Audouin Dollfus pour un envol depuis l’aéroport de Villacoublay, qui l’emmena à 14 km d’altitude. Cet évènement fit la une des journaux il y a exactement 60 ans, le 22 avril 1959. 

La France, berceau de l’aérostation, est actuellement en pointe dans ce domaine, comme le montrent les projets décrits dans cette Lettre. Les nouvelles matières permettent de réaliser une imperméabilité quasi-totale des enveloppes, annihilant les pertes en gaz porteur et rendant la sustentation quasiment gratuite, comme l’explique Matthieu Gobbi, l’un des fondateurs d’Aérophile. Cependant, on se souvient des projets de dirigeable de la fin du vingtième siècle et du début des années 2000, qui s’étaient soldés par des échecs. L’un de nos membres Laurent Dala, Professeur à l’université Northumbria à Newcastle a vécu de l’intérieur, en tant que chef de division adjoint Physique du vol, la faillite de Cargo Lifter, un dirigeable souple destiné à transporter 160 tonnes  de fret. Il nous a confié que les problèmes techniques étaient ardus et notamment la dynamique qu’on a intérêt à étudier en bassin des carènes, le comportement d’un dirigeable étant très voisin de celui d’un sous-marin. Il ne faut pas non plus, selon lui, sous-estimer les problèmes de logistique posés par le chargement et le déchargement, la masse totale devant rester constante.

Les erreurs du passé servant de leçons, nul doute que le regain d’intérêt actuel pour les dirigeables se traduira  par des succès dans le domaine de la surveillance avec le projet Stratobus de Thales, du transport de fret avec Flying Whales et du tourisme avec Dirisolar.




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