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Interview de Robert Lafontan, vice-président de LA 3AF

18 avril 2020 Lettre 3AF
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Michel Assouline : Quels sont pour vous les plus grands défis de l’industrie aéronautique pour les prochaines décennies ?

Robert Lafontan : Tout d’abord, ce sont de grands défis techniques et technologiques : l'un des plus grands est sans doute celui de la transition énergétique et de l’environnement. Dans un contexte où la ressource en carburant fossile deviendra rare et couteuse l’ensemble de la filière l’aéronautique sera impactée. Il faudra trouver des alternatives aux carburants et à la propulsion. On sait qu’à ce jour l’électrique ne livre pas un avion volable et une solution satisfaisante. Même chose pour l’hydrogène qui est difficile à rendre compatible avec les contraintes de sécurité, de masse et économiques. 

Cela laisse encore une part importante aux défis « conventionnels » : transporter des passagers au moindre coût impose de travailler plusieurs axes de progrès parmi lesquels réduire la masse, optimiser l’aérodynamique, la consommation des moteurs, etc.

Il faut par-dessus tout, bien entendu, considérer l’économie générale d’exploitation de l’avion. Rappelons que le carburant représente entre 30 et 50% des coûts, la maintenance 20%, les autres couts étant l’équipage, les taxes, etc.
L’amortissement des couts de développement et des couts unitaires de production de l’avion doivent être abaissés. La technologie n’a pas encore livré toutes ses promesses sur ce terrain.  

Il faut pour cela regarder l’avion de manière systémique. Avoir les meilleurs composants ne conduit pas forcément au meilleur système. Comme au rugby, la meilleure équipe n’est pas le seul  assemblage des meilleurs joueurs. Le « time to market » devient de plus en plus important dans un contexte concurrentiel : réduire les cycles de développement permet, aussi, de réduire les couts de développement, donc le prix de l’appareil. La technologie numérique permettra d’améliorer les voies exploratoires. 

Est-on capable de réduire encore le nombre de membres d’équipage et verra-t-on des appareils en conduite autonome ? Beaucoup de technologies numériques le permettent en théorie - notamment l’IA - mais je ne pense pas que l’avion 100% autonome verra le jour à brève échéance. Pour des raisons simples. L’identification des problèmes techniques prend du temps et nécessite des années de retours d’expériences. On pourra en revanche imaginer d’abaisser l’effectif navigant. Il faudra développer et éprouver de nouvelles briques techniques sur des avions avant les intégrer en série.  

 

MA : Qu’est-ce que la 3AF peut apporter dans ce contexte ? 

RL : La 3AF ne peut se substituer à l’industrie mais peut apporter plusieurs choses en particulier sur des terrains où la compétition entre acteurs est mise en sourdine.
Pour cela la 3AF doit se renouveler dans l’expression de ses trois missions fondamentales : 
Être un forum où on peut échanger librement : des publications, des conférences, etc.
Être force de propositions : proposer des voix ou des opinions pour enrichir des propositions des industriels, des centres de recherche ou de tout autre acteur
Aider à promouvoir et aider à développer de petits démonstrateurs ou terrains d’expérience.

Cette troisième mission est un vrai terrain d’enrichissement de la valeur ajoutée de notre association, et la neutralité de terrain qu’offre la 3AF est particulièrement propice à ces échanges libres et ce rôle de forum ouvert est complémentaire vis-à-vis des acteurs industriels. 


MA : Quels sont les grands axes de progrès vis-à-vis de ses membres collectifs et de ses adhérents ?

RL : Nos quatre axes de progrès pourraient être les suivants :

  • Réussir à être un vrai forum d’échange. Pour cela la première condition est de définir des sujets d’intérêt commun avec les individus et/ou les entreprises. Il faut aussi faire entrer des idées nouvelles et du sang neuf de manière à na pas « reproduire » des entités existantes telles que le CORAC. Apporter du sang neuf et de la diversité par l’intégration de PME, de start-up, etc.
  • Porter plus d’attention sur le management et le fonctionnement des commissions, notamment quant au choix du leader et à la composition de l’équipe. C’est une condition indispensable au succès de nos commissions techniques.
  • Parmi les nouveaux sujets à porter, le numérique, la réalité virtuelle ou la réalité augmentée, l’IA sont des terrains propices à des progrès non « conventionnels » difficiles à couvrir par les industriels. Ainsi, l’organisation des processus est plus importante que l’outil. Sur la réflexion de management et sur les processus industriel, 3AF pourrait apporter quelque chose. Par ailleurs, on ne sait pas certifier l’IA pour un processus de décision aéronautique. Le chemin est encore long dans ce domaine où l’apport de la 3AF pourrait être de grande valeur. 
  • Revoir notre offre vis-à-vis des adhérents. Je suis tous les jours sur Linkedin, Facebook … la 3AF n’y est pas.  Il faudra moderniser le site internet et développer la présence de 3AF sur les réseaux sociaux. C’est donc un sujet de réflexion de haut niveau et la 3AF pourrait fournir un cadre pour cela. Le numérique peut permettre aussi d’accroître l’efficacité du rôle de forum.


Parcours d’un ingénieur dans l’âme passionné d’aviation 

Ingénieur SUPAERO, Robert Lafontan débute sa carrière chez Dassault Aviation, où il reste 12 ans à travailler sur les avions de patrouille maritime, puis rejoint l’Aérospatiale en 1989, en qualité d’adjoint puis d’ingénieur en chef de l’A320.

Chez Airbus, Robert Lafontan a le privilège d’accompagner, en tant qu’Ingénieur en Chef, dès 1996 le projet A3XX devenu A380, depuis la phase avant-projet jusqu’à sa mise en service en 2007 et d’en être également un pilote d’essai. 

En 2007, Robert Lafontan (Senior Vice President Engineering) a la charge de bâtir le département Architecture et Intégration couvrant les Avant-Projets incluant l’Intelligence technique, les Architectes avions incluant les analyses de sécurité, les facteurs humains et l’environnement, la Certification avions, la sureté avion, l’opérabilité et la compatibilité aéroportuaire ; Il est également le directeur des ingénieurs en chef. De juillet 2018 à janvier 2020, il est conseiller d’AIRBUS. 

Robert Lafontan est également pilote d’essais, pilote de ligne et pilote privé, instructeur et examinateur, pilote d’hélicoptère, pilote de planeur et pilote ULM et président d’aéroclub ! Il totalise près de 16 000 heures de vol.

Bref, une merveilleuse carrière vouée à l’aviation, pour un ingénieur dans l’âme, passionné, ayant eu la chance unique d’avoir pu conduire avec l’A380 un projet depuis l’avant-projet jusqu’à sa mise en service, qui l’a conduit à devenir vice-président de 3AF depuis septembre 2019.




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