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Le #newspace forum à l’école polytechnique le 31 janvier 2019

08 mai 2019 Lettre 3AF
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Pierre Cordesse est diplômé de l’Ecole Centrale de Paris et poursuit sa formation marquée par une composante scientifique, managériale et internationale. En troisième année de doctorat au laboratoire de mathématiques appliquées de l’Ecole polytechnique, financé par l’ONERA et le CNES, sur la modélisation mathématique et la simulation numérique des écoulements diphasiques en chambre de combustion de moteurs fusées cryogéniques, il réalise en parallèle un MBA au Collège des Ingénieurs dans le cadre du programme Sciences & Management. Son année à Impérial Collège à Londres durant son cycle ingénieur et son séjour à la NASA Ames Research Center en Californie durant sa thèse attestent d’un ingénieur ouvert sur le monde et ses enjeux. Par ailleurs, Pierre Cordesse est investi au sein de plusieurs associations : il est membre du comité jeune et de la commission propulsion de 3AF, et organisateur d’autres évènements en lien avec le spatial, notamment le prochain SG[France] au sein de l’association Space Generation Advisory Council.
 
Sous l’égide de l’École polytechnique et de l’Association aéronautique et astronautique de France, s’est tenu le jeudi 31 janvier 2019 à l’École polytechnique le #newspace forum. Cet évènement divisé en un forum l’après-midi et une table ronde en début de soirée s’est inscrit dans le cadre de la “ spaceweek ”, semaine de l’espace, organisée par l’association étudiante AstronautiX et le centre spatial étudiant de l’Ecole polytechnique.
 
L’industrie spatiale du XXe siècle s’est organisée autour d’une course à l’armement nucléaire pour asseoir la souveraineté des nations. Les dépenses spatiales se justifiaient alors auprès du public par la seule avancée de la Science, les coûts échappant à la rentabilité. L’industrie spatial du XIXe, elle, se caractérise par un changement de paradigme comme le souligne Xavier Pasco dans “ le nouvel âge spatial ”. L’émergence de nouveaux acteurs étatiques comme la Chine et l’Inde et privés tel Space-X ont bouleversé la donne. Les investissements spatiaux se doivent maintenant d’être rentables et de permettre l’avancée sociétale. C’est ce qui définit l’expression #newspace. 
 
Le #newspace forum a contribué à son échelle à renforcer la coopération des acteurs européens dans la dynamique du #newspace en mettant en relation des étudiants, doctorants, chercheurs et industriels avec des start-up de l’industrie spatiale d’initiative privée, des incubateurs et accélérateurs, des centres spatiaux étudiants et des agences spatiales gouvernementales d’Europe.
 
Ont été ainsi présents 14 start-ups et 12 organismes, parmi lesquelles Exotrail, Thrust me ou Unistellar, l’Agence spatiale européenne (ESA), le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA), des associations spatiales étudiantes ainsi que le Centre de mathématiques appliquées (CMAP), l’initiative HPC@Maths et le Laboratoire de physique des plasmas (LPP) de l’École polytechnique.
 
La table ronde, ouverte par Eric Labaye, président de l’École polytechnique, et Michel Scheller, président de 3AF, a permis d’aborder trois thématiques : 1) l’état des lieux de l’industrie spatiale du #newspace en termes de technologies et de marchés, 2) l’entreprenariat dans le spatial, 3) le rôle de l’Europe dans ce secteur en plein renouveau.
Les activités spatiales cherchent à se dégager de leur raison d’être initiale. De l’application purement militaire, un besoin de rentabilité et de retombés économiques émerge. Les cubsats, par leur taille de quelques dizaines de centimètre et leur faible coûts, sont produits en masse, occupant dès à présent en grand nombre l’orbite basse de la Terre. Ils offrent accès à des images satellites, de la donnée, et cette donnée évidemment peut être analysée et exploitée pour l’agriculture, pour la surveillance et l’optimisation des flux de marchandises et de personnes, cœur des services proposées par EarthCube. ThrustMe et Exotrail proposent des systèmes de propulsion à Effet Hall pour aider à bâtir des constellations agiles. Ces cubsats pourraient révolutionner à plus long terme la télécommunication, l’observation de la Terre et de l’espace. L’arrivée de ces nouvelles charges utiles à faible masse révolutionne aussi les systèmes de lancement. Aux lancements en grappe se substituent les micro-lanceurs à propulsion liquide ou solide comme proposée par la startup HyprSpace. Zero2Infinity prend une direction radicalement différente pour la propulsion en proposant d’extraire la charge utile de l’atmosphère grâce à un ballon, réduisant ainsi les contraintes de confinements, de vibration et de pression dynamique sur cette dernière.
 
Par ailleurs l’accès à l’espace se démocratise grâce à la réduction des coûts de lancement et des satellites, mais aussi grâce à l’émergence de startups comme OpenCosmos proposant une prise en charge totale de la mission - design du satellite adapté à la charge utile – tests – lancement – gestion de la mission – rapatriement des données. Ce bouleversement de l’infrastructure spatiale permet au client de ne plus que focaliser sur les données récupérées. De plus, Unistellar souhaite impliquer le grand public dans les activités scientifiques en proposant des campagnes d’observation spatiales grâce à son telescope EvScope, 100 fois plus performant qu’un télescope classique, facile d’utilisation et connecté. Enfin, un marché de luxe émerge, le tourisme spatial, profitant d’une transformation radicale : les dépenses dans le luxe passent progressivement du matérialisme aux expériences. Les milleniums ne recherchent plus la propriété mais l’expérience comme l’a souligné José (CEO de Zero2Infinity). Quoi de plus extraordinaire que de voir la terre depuis l’espace ! Ce dernier propose un vol en ballon quand d’autres proposent une approche plus ancienne, celle d’un lanceur.
 
Les technologies et les marchés du #newspace sont nombreux et incontestables. Les acteurs privés se multiplient dans le monde entier et se livrent à une conquête de l’espace sans mercis. Mais, l’entreprenariat n’est pas une mission simple. Comme tout projet d’entreprenariats, les startups doivent réussir à démontrer leur utilité et leur rentabilité pour espérer récolter des fonds, ce qui n’est pas évident dans le secteur du spatial.
Des organismes dédiés à l’entreprenariat spatial se sont mis en place progressivement en Europe, depuis l’incubateur comme les centres d’incubation de l’ESA (ESA BIC), qui ont pu accueillir en Angleterre OpenCosmos, ou Booster Seine Espace présent au forum, à l’accélérateur comme Starburst axé uniquement sur le secteur aéronautique et spatial permettant de mettre en lien les startups avec des investisseurs conséquents. Le grand public est aussi sollicité grâce aux plateformes de crowdfounding comme Kickstarter sur laquelle Unistellar a levé 2.2 millions de dollars en 2017, et peut être que la startup SpacemeUp proposera bientôt une plateforme française entièrement dédiée aux projets d’aérospatiale. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les entrepreneurs se heurtent à des difficultés de financement non pas par un manque d’argent à investir en Europe, mais par la peur de perdre des emplois si jamais un projet venait à échouer. La clef de la réussite réside dans la capacité à rassurer l’investisseur et les employés pour vendre un produit qui n’existe pas encore et qui pourrait ne jamais exister. Les gouvernements américains et chinois l’ont bien compris et soutiennent, via leur agence spatiale, les acteurs d’initiative privée, ce qui manque encore en Europe et y freine le dynamisme.
 
Jean-Jacques Dordain, ancien directeur général de l’ESA, a donné un discours liminaire, dans lequel il a souligné le retard qu’accuse l’Europe pour se positionner sur le marché du spatial face à des concurrents majeurs comme les Etats-Unis et la Chine, mais a appuyé son optimisme vis-à-vis de la capacité des européens à réagir et à tirer profit de leur compétences scientifiques reconnues et de leur diversité d’approche, qui constituent plus un atout qu’un frein.
 
C’est d’ailleurs pour cela que nous avons aussi réuni des laboratoires en physique des plasmas, en mathématiques appliquées et une initiative de mathématiques et de Calculs Hautes Performances (HPC) de l’Ecole polytechnique, ainsi que plusieurs centres spatiaux étudiants, celui de l’Ecole polytechnique et de l’ESTACA. L’interaction rapprochée entre chercheurs, étudiants et startups permet la compréhension des défis techniques rencontrés par ces dernières et l’orientation des efforts de recherche et conduit à de l’innovation technologique dans un temps relativement court. Les collaborateurs des startups présents sont nettement marqués par des profils de compétences scientifiques de hauts niveaux. Nombreux sont ceux qui ont réalisé un doctorat et capitalisent sur leur expertise technique. Des propositions de stages, de doctorats et de projets ont pu émerger des échanges de ces communautés.
 
Finalement en rassemblant un large public dans une ambiance conviviale, le #newspace forum a donné lieu à de nombreux échanges techniques, des mises en relation et l’émergence de nouveaux projets de collaboration. Cet événement est une réponse au besoin de dynamisme en Europe et l’engouement qu’a suscité cette journée encourage sa réitération l’année prochaine. 
 
Propos tenus par Michel Scheller, Président de la 3AF en ouverture de la table ronde sur le “ New Space ” à l’Ecole Polytechnique le jeudi 31 janvier 2019.
 
New Space, expression un peu bizarre, comme on sait en inventer pour frapper les esprits. Notre Espace, n’a pas changé d’un “ iota ” mais ce qui change, et considérablement, c’est à la fois l’accès, et corrélativement, la démarche industrielle qui est une retombée de cette nouvelle situation.
 
Elon Musk, nous montre bien tout cela, lanceurs réutilisables : c’est par un facteur 10 que l’on diminuera le coût de mise en orbite “ d’un kilo de satellite ” ! Mais bien naturellement, on sera en mesure, à terme, de procéder à des lancements en beaucoup plus grand nombre. Et, comme retombées, Elon Musk en a retiré, une nouvelle façon de faire de l’industrie, tant pour les lanceurs que pour les objets lancés, ouvrant toute grande la porte à l’innovation technologique, et en repensant le principe de précaution (à travers le dynamisme d’Outre Atlantique).
 
À côté d’ailleurs de “ l’aventure Musk ” , une autre évolution déjà retenue est à considérer : le lancement de “ grappes ” pour donner de nouvelles solutions à la résolution de problématiques bien identifiées. Cette pratique ne pourra que se développer, avec l’essor sans précédent du “ digital ” et de l’IA. Et cette pratique conduit entre autre à une plus grande sécurisation du service attendu, une panne n’étant pas catastrophique.
 
On comprend un peu mieux l’expression “ New Space ”, et l’on perçoit combien les relations entre les acteurs, Maîtres d’ouvrage, Maîtres d’œuvre, les Agences, les porteurs d’innovation, etc. …, vont évoluer. Il faut que chacun s’y prépare, mais soyons conscients qu’il nous faudra, européens que nous sommes, maitriser le réutilisable, et maitriser l’IA.
 
Quelles sont les perspectives ? Énormes.
 
En quelques mots, les problèmes devant nous :
  • l’encombrement de l’Espace. Je renvoie aux chiffres mis en avant. Il faut limiter les collisions pouvant altérer un service donné. Mais il faut également une “ gestion de l’Espace ”, comme il existe une gestion pour le transport aérien, qui ne peut résulter que d’une demande internationale.
  • l’accent doit être mis sur l’extraction de nouvelles ressources minières, sur la lune, d’autres planètes, la planète rouge, sur des comètes, etc. …, et faut-il souligner ici l’importance stratégique des métaux rares, des terres rares (nos économistes comment à investiguer cette question) ;
  • la nécessité de connaître, par voies non intrusives, le contenu d’un satellite, qui peut être déclaré dédié à des applications civiles, mais qui peut aussi détenir des potentialités autres que civiles ;
  • mais aussi l’identification les satellites qui peuvent se comporter en armes de guerre ;
  • le cyber devient, vous le savez bien, un nouveau champ de préoccupations très fortes, qu’il s’agisse de la forme défensive, ou de la forme active.
  • etc. … ;
 
Je pourrais allonger la liste.
 
Immédiatement, vous imaginez les développements s’inscrivant dans le cadre du “ New Space ” mais avant de conclure, je souhaite appeler votre attention sur la considération suivante :
 
Les questions de souveraineté vont prendre une importance considérable, souveraineté au niveau européen, souveraineté au niveau national, la France étant bien évidemment membre très actif sur ces questions de l’Europe. Et ce n’est un secret pour personne : il s’agit là de sujets difficiles, engageants, et les relations avec les services en charge doivent être considérées avec une grande priorité.
 
Mais pour conclure, le “ New Space ” ouvre un champ formidable pour demain : chercheurs, start-up, …, lancez-vous… avec passion.
 
Vous ne serez pas déçus.
 

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