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Élargissement du domaine de vol en conditions givrantes pour des hélicoptères ne disposant pas de dispositifs anti-givrage

16 juin 2016 Lettre 3AF
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La Commission Technique Hélicoptères de la 3AF a créé en 2014 un groupe de travail sur l’élargissement du domaine de vol en conditions givrantes sans protection des pales du rotor (cf. encadré p.22). L’objectif de ce groupe était de faire un état des lieux des réglementations, du retour d’expérience acquise à ce jour en essais en vol et en opération, et d’identifier les pistes et ou les technologies permettant d’étendre le domaine de vol tout en restant dans le cadre existant des autorisations dérogatoires déjà acceptées dans les processus de certification. Les recommandations émises dans un rapport argumenté en mars 2015 ont été transmises officiellement par la 3AF à la DGA, la DGAC, la Sécurité civile, les forces aériennes de la Gendarmerie Nationale, le syndicat des opérateurs français et le CEAS (Council of European Aerospace Societies). 

De plus en plus les opérateurs ont besoin pour leurs hélicoptères d’une capacité à opérer en conditions givrantes. Une telle capacité requiert, pour pouvoir être certifiée, l’installation d’un ensemble de protections dont celles nécessaires aux rotors. L’enveloppe des conditions de  certification est très large en température (0°C/-30°C) et englobe en particulier le domaine critique de température pour le givrage des rotors (-7°C/-15°C). Si l’hélicoptère n’est pas autorisé de vol en conditions givrantes, alors il n’est pas autorisé à pénétrer la couche nuageuse dès lors que la température à la base du nuage est inférieure à +5°C, ce qui restreint significativement les opérations dans de nombreuses régions du globe, en particulier l’Amérique du Nord et l’Europe continentale. On estime entre 15% et 25% le potentiel du nombre d’opérations annuelles dont on pourrait éviter l’annulation pour raisons de conditions givrantes.

Le développement et l’installation d’un système de protection des rotors contre le givre sont lourds et coûteux, et leur  emploi reste réservé aux hélicoptères moyens et lourds (généralement au-dessus de 6 tonnes). En effet, il faut que les dispositifs permettant le vol en conditions givrantes restent compatibles avec les performances au sens large de l’appareil : le poids de ces dispositifs ne doit pas impacter fortement la charge marchande, la consommation ainsi que le coût d’achat et de maintenance. C’est pourquoi il est généralement admis que ces dispositifs ne sont pas pour le moment (dans l’état des technologies) économiquement viables sur les hélicoptères légers. 

Or, pour des hélicoptères suffisamment motorisés et protégés contre le givre par ailleurs (entrées d’air moteur, pitots, pare-brise), l’absence de protection des rotors, beaucoup plus tolérants au givre que les voilures d’avion, pourrait rester compatible de certains scénarii d’utilisation basés sur une plage d’utilisation restreinte en température (par exemple étendue jusqu’à -5°C) et/ou sur une durée d’exposition limitée permettant de traverser la couche nuageuse. 

Ce type d’utilisation est déjà en vigueur en Mer du Nord pour des opérations Oil & Gas, grâce à des conditions de température garanties positives près de la mer et dans un cadre opérationnel contrôlé. Ce type d’utilisation, appelé « vol en givrage limité » est aujourd’hui reconnu par l’EASA et est introduit dans la règlementation civile au travers d’une condition spéciale. Un enjeu serait de permettre de telles opérations en milieu continental, où il n’existe pas pour autant de couche atmosphérique refuge à température positive en hiver, à visée opérations de SAMU et de sécurité civile par exemple, mais aussi de transport commercial (CAT), ou géographiquement opérations en milieu polaire. Le groupe a donc travaillé à trouver des pistes permettant l’extension de cette tolérance de façon plus large. 

Il en a conclu que la compréhension physique des phénomènes de givrage sur les rotors d’hélicoptères, couplée à l’accumulation de données expérimentales de vol ces dernières années doit permettre de justifier un élargissement du domaine de vol en conditions givrantes rotors non protégés. En effet, si l’on compare en fonction de la puissance (plutôt d’un coefficient de puissance) des appareils très divers, on remarque qu’on peut définir un domaine réduit en température négative, jusqu’à environ -5°C, pour lequel un appareil dont les rotors ne seraient pas protégés n’afficherait pas plus de perte de puissance due au givre que ce même appareil dans tout son domaine de vol en conditions givrantes, rotors protégés. Avec une telle limitation en température, la marge de pénalité de puissance par rapport à ce qu’on autorise pour des appareils dégivrés dans le domaine complet de température reste supérieure. 

Néanmoins, il ne faudra pas négliger l’expression d’une barrière psychologique chez les pilotes, de ne pas avoir de zone refuge à température positive, barrière qu’il faudra vaincre par une argumentation sécuritaire convaincante et une relaxation des marges opérationnelles, voire des expérimentations pendant une période transitoire.

Cette ouverture de domaine pourrait être accompagnée de mesures annexes pour augmenter le taux d’opérations ainsi que la sécurité des opérations, allant d’un déploiement territorial de mesures locales météorologiques (température, hauteur base nuageuse), rafraîchies et transmises aux hélicoptères en temps réel, en passant par une relaxation des minima de hauteur sol, une relaxation de l’impasse de temps et/ou des conditions extrêmes de givrage à prendre en compte pour la justification en cas de panne moteur en croisière en conditions givrantes, jusqu’à un accompagnement à la formation des pilotes sur simulateur de vol conditions givrantes. Les technologies avioniques d’aujourd’hui le permettent. 

 

CONCLUSION

C’est pourquoi la commission technique hélicoptère de la 3AF (CTHC) émet une recommandation favorable à considérer l’élargissement du domaine de vol en conditions givrantes rotors non protégés, basée sur une limitation en température négative et/ou en épaisseur de nuage pour les besoins de traversée de couche et/ou en limitation du temps d’exposition aux conditions givrantes. 

Elle suggère également d’accompagner cette relaxation règlementaire et opérationnelle d’un effort de soutien dans les domaines des technologies avioniques pour leur maturité, de la prévision et la transmission des données météorologiques locales à bord des aéronefs, d’équipements de tels systèmes météo sur des zones de décollage/atterrissage à définir, et plus généralement de considérer des aménagements dans la règlementation aérienne basse altitude pour l’aviation générale. 

 

LE GROUPE DE TRAVAIL CTHC

Le groupe de travail était composé de membres de la CTHC et experts dans les domaines nécessaires à cette réflexion :

Didier Nicolle et Jean-Pierre Dantart pour la réglementation, et l’aspect pilote

Gilles Arnaud, Président de la CTHC et expert aéromécanique rotor

Robert Leschi et Stéphane Catris, experts givrage et environnement

Marc Greiller et Jérôme Combe pour les retex opérationnels

Tous mettant bénévolement leur temps et leur expertise pour bâtir cet argumentaire. 

 

 

 

QUELQUES ILLUSTRATIONS DE TRAVAUX CONDUITS PAR L’ONERA :

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Profil de pale avec accrétion de givre en bord d’attaque (simulation 2D par code ONERA) 

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Calcul 3D sur extrémité de pale (calculs ONERA)

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Cette courbe montre  la pénalité en puissance rotor (axe vertical)  en fonction de la température extérieure (OAT) à partir de données en soufflerie sur un profil de pale, transposées à un rotor complet). 

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Dépôt de givre dit «en queue de homards » obtenu dans l’anneau givrant du CEPr (essais ONERA) ?




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